Tout dépend d’où on vit… Les contextes de soins de santé au Canada

Alors que de plus en plus de Canadiens vieillissent, ils réfléchissent de plus en plus aux soins palliatifs et à leur rôle au sein de notre société. Présentement, plus de 260 000 Canadiens meurent chaque année, et on estime que d’ici 2036, 3,3 millions de nos concitoyens auront plus de 80 ans.[i] Étant donné ces statistiques alarmantes, il est de notre devoir d’assurer que tous aient accès à des soins palliatifs, et que tous puissent mourir dans la dignité, sans douleur, entourés des leurs, et dans le contexte de leur choix. Hélas, cette volonté n’est pas encore réalité au Canada.

Bien que les Canadiens meurent dans des contextes variés, nous savons que la disponibilité des soins palliatifs et de fin de vie de qualité varie grandement d’un milieu à l’autre. En effet, seulement 16 à 30 % des Canadiens ont accès à des soins palliatifs.[ii]

Mais alors, où meurent donc les gens au pays? Il est essentiel de répondre à cette question si l’on veut améliorer l’accès à des soins de fin de vie de qualité.

  1. À l’hôpital. Selon Statistique Canada, la plupart des Canadiens meurent en milieu hospitalier, en soins aigus[iii]. Le problème avec ce contexte est que de nombreux établissements manquent de personnel et de ressources en soins palliatifs. Trop de gens en fin de vie doivent se rendre à l’urgence au cours de leurs dernières semaines ou de leurs derniers mois, une situation qui révèle la piètre qualité des soins palliatifs[iv] — le système actuel ne comble pas adéquatement les besoins des gens malades et des familles.
  2. En soins de longue durée. Bien que les établissements de soins de longue durée (aussi appelés résidences, maisons de soins, centres d’hébergement, etc.) progressent dans leurs efforts de formation du personnel, les choses ne sont pas encore idéales, et trop de patients en SLD aboutissent à la salle d’urgence au cours des dernières semaines de vie. Présentement, la loi n’oblige pas ces établissements à offrir des programmes de soins palliatifs normalisés. Près de 50 % des résidents en SLD meurent dans ces centres, mais pourtant, la plupart de ceux-ci n’offrent pas de soins palliatifs proprement dits. Bien qu’une récente étude ait révélé que l’on comprend de plus en plus que des interventions de soins palliatifs hâtives entraînent un meilleur décès et une démarche de deuil mieux intégrée, il reste encore beaucoup de travail à faire avant de rendre obligatoire la prestation de soins de fin de vie dans les établissements de SLD.
  3. À domicile. Bien que la plupart des Canadiens disent préférer mourir à la maison, auprès des leurs, le manque de financement des programmes de soins à domicile se traduit par un besoin accru en bénévoles formés et en aidants naturels. Or, les gens qui souhaitent prendre soin d’un être cher à la maison doivent tenir compte du lourd fardeau que cela peut entraîner et des coûts élevés qui y sont associés. Selon un rapport de 2012 intitulé Aînés dans le besoin, aidants en détresse : quelles sont les priorités de soins à domicile pour les aînés au Canada? publié par le Conseil de la santé du Canada, les coûts des soins à domicile pendant les six derniers mois de vie sont presque deux fois plus élevés que ceux associés à tous les autres soins prodigués à la maison, d’autant plus que certains frais ne sont pas couverts par les régimes d’assurance-santé ou les assurances privées.[v] Une autre étude récemment réalisée en Ontario a révélé que les gens souffrant d’une maladie potentiellement mortelle qui sont soignés à la maison et qui reçoivent plus d’heures de soins à domicile sont moins susceptibles de visiter l’urgence au cours de leurs dernières semaines de vie.[vi]
  4. Dans les maisons de soins palliatifs. Les maisons de soins palliatifs sont perçues comme le contexte de fin de vie idéal par de nombreux Canadiens, puisque ces endroits se veulent le reflet de la maison, et que le personnel y est dévoué et bien formé en matière de soins palliatifs. Plusieurs de ces résidences offrent en outre des services de répit ou liés au deuil aux familles qui en ont besoin. Toutefois, les gens vivant en régions rurales ou éloignées et ceux ayant un handicap ont un accès très limité aux maisons de soins palliatifs, et beaucoup doivent parcourir de nombreux kilomètres pour recevoir des soins de fin de vie.
  5. Dans les refuges ou dans la rue. Bien que la plupart des Canadiens meurent dans l’un des contextes décrits précédemment, il ne faut toutefois pas oublier la population marginalisée des sans-abri qui finissent leurs jours dans les refuges ou même dans la rue, sans soins ou presque. Il existe un petit nombre de programmes de soins palliatifs destinés aux itinérants à quelques endroits au pays; il s’agit d’unités installées dans les refuges, où les gens peuvent finir leurs jours dans un milieu rassurant et sécuritaire. Le personnel de ces unités reçoit une formation poussée, et est en mesure de fournir des soins jour et nuit, avec l’appui d’étudiants en médecine et en soins infirmiers qui effectuent des stages en soins palliatifs.

Les récentes recherches sur la fin de vie indiquent de plus en plus que les Canadiens préfèrent mourir à la maison ou dans leur collectivité (comme dans un centre de SLD ou une maison de soins palliatifs) plutôt qu’en contexte hospitalier.[vii] Les gens en fin de vie devraient tous pouvoir recevoir les soins et le soutien dont ils ont besoin, là où ils le veulent, quels que soient l’endroit où ils vivent ou les moyens dont ils disposent. Et s’ils nécessitent des soins en milieu hospitalier, la transition devrait se faire de façon fluide et harmonieuse — il faut s’assurer que les gens puissent passer aisément d’un contexte à l’autre, et qu’ils puissent toujours avoir accès aux meilleurs soins palliatifs qui soient.

Si les soins palliatifs étaient bien intégrés dans l’ensemble du réseau de la santé, les Canadiens et leurs proches pourraient accéder à des soins de qualité dans tous les contextes, recevoir de l’information, des ressources et du soutien adéquat, et passer d’un contexte de soins à un autre selon leurs besoins ou leurs préférences. Les gens devraient avoir le choix et la possibilité d’exprimer leurs volontés en ce qui concerne les services qu’ils souhaitent recevoir, le moment où ils seront offerts et la façon dont ils seront prodigués. Lorsque les soins palliatifs seront bien intégrés au réseau, non seulement les Canadiens auront tous accès aux services, mais ils pourront aussi choisir de mourir à l’endroit qu’ils préfèrent, comme ils l’entendent.

Cela dit, si l’on veut assurer que les Canadiens puissent avoir une bonne fin de vie, il faut d’abord comprendre où les gens meurent présentement, puis définir les changements à apporter dans les divers contextes de soins. En travaillant à la définition d’un modèle d’intégration des soins palliatifs, nous devons favoriser l’adoption d’une philosophie de soins qui assurera aux gens et aux familles une fin de vie de qualité.

Or, l’Association canadienne de soins palliatifs a amorcé une telle démarche; dirigée par la Coalition pour des soins de fin de vie de qualité du Canada, l’initiative vise l’élaboration d’un cadre qui définira les modèles d’intégration des soins palliatifs voulus. Pour en savoir davantage sur cette initiative ou savoir comment y prendre part, prière de visiter le www.integrationdessoinspalliatifs.ca.



[i] Projections démographiques pour le Canada, les provinces et les territoires, 2009-2036. Statistique Canada, no de cat. 91‑520-XIE. www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/100526/dq100526b-fra.htm.
[ii]
Carstairs, Sharon. Monter la barre : plan d’action pour de meilleurs soins palliatifs au Canada. Juin 2010.
[iii]
Statistique Canada, 2008. Décès en milieu hospitalier et ailleurs — Canada, provinces et territoires. Tableau 102-0509.
[iv]
Institut canadien d’information sur la santé, 2007. Utilisation des soins de santé en fin de vie dans les provinces de l’Ouest du Canada. Ottawa : ICIS.
[v]
Conseil de la santé du Canada. Aînés dans le besoin, aidants en détresse : quelles sont les priorités de soins à domicile pour les aînés au Canada? Avril 2012 http://www.healthcouncilcanada.ca/tree/HCC_HomeCare_FINAL_FR.pdf
[vi]
Seow, H., Barbera, L., Howell, D., Dy, S. M., 2010. Using More End-of-Life Homecare Services is Associated with Using Fewer Acute Care Services: A Population-Based Cohort Study. Medical Care Vol. 48, no 2. Février.
[vii]
Bacon, J., 2008. Les soins palliatifs à domicile au Canada : rapport d’étape. Ottawa : Coalition pour des soins de fin de vie de qualité du Canada.