Connaître la mort pour connaître la vie
1 novembre, 2021
Par Maria Vassiliou
La connaissance de la mort c’est la connaissance de la vie. La raison d’être du groupe Philotimo Life est de favoriser des changements systémiques en ce qui concerne les connaissances entourant la mort, et de normaliser les discussions sur la mort. Son travail vise à changer la façon dont les lieux de travail, les établissements d’enseignement et les politiques sociales abordent la question du deuil et du chagrin.
Si vous lisez ces lignes vers la fin de l’année 2021, il y a de fortes chances que la mort et le deuil aient été présents dans votre vie. C’est la réalité; la mort est une expérience qui touche tout le monde, directement et indirectement. Mais cette réalité soulève la question suivante : pourquoi ne parlons-nous pas ouvertement de la mort? Nous baissons la voix lorsqu’elle est évoquée, et nous grondons nos enfants lorsqu’ils « font le mort » dans leurs jeux imaginaires. Pourquoi une expérience aussi universelle est-elle considérée comme taboue et contournée dans les discussions? Quand allons-nous réexaminer les normes culturelles et sociales qui favoriseraient une meilleure connaissance de la mort dans nos systèmes éducatifs, professionnels et sociétaux?
Sauf erreur, il n’existe pas de truc pour éviter la mort. Après avoir déposé notre bagage social et culturel, nous réalisons que parler de la mort n’est pas aussi morbide qu’on le pense. Une approche holistique permet de tirer des leçons et des apprentissages sur la vie, et de mieux comprendre ce que vivre signifie réellement. La méconnaissance de la mort – le statu quo en fait – engendre de la peur et une irresponsabilité en ce qui concerne la planification de la mort. Dans de rares cas, cela peut entraîner des comportements irresponsables et autodestructeurs, comme mener à une attitude « YOLO » (you only live once) qui peut en fait dévaloriser la vie.
Mieux connaître la mort, c’est acquérir du savoir et une compréhension des systèmes entourant la mort. Il peut s’agir d’examiner les réactions de la société face à la mort et de naviguer dans les diverses options de soins de fin de vie. Il a été démontré que les populations qui connaissent mieux la mort sont moins anxieuses face à la mort. Cette compréhension apporte un niveau de conscience de soi et d’apaisement qui peut être considéré comme bénéfique, en particulier en ces temps de COVID-19 où l’anxiété liée à la mort a entraîné une augmentation considérable de la détresse psychologique.
Par conséquent, beaucoup ont renforcé leur obsession culturelle de l’hyperproductivité et du refus de vieillir, pensant qu’ils peuvent défier la mort s’ils restent occupés et s’ils prennent bien soin de leur visage. Par exemple, les chirurgies esthétiques connaissent une hausse fulgurante dans le monde entier – une clinique de Melbourne a vu le nombre de ses patients augmenter de 200 %. Cette hyperfixation sur la jeunesse va de pair avec le fait que 47 % des travailleurs à distance ont dit se considérer plus productifs pendant la pandémie. Mais malgré cette perception de productivité à la hausse, leur niveau de stress a augmenté de plus de 7 % entre avril 2020 et avril 2021.
Les distractions nous empêchent de penser à notre propre mortalité, ce qui mène à un cycle d’anxiété-distraction. Cela fait en sorte que certains en viennent à oublier ce qu’ils apprécient et valorisent dans la vie. D’un autre côté, ceux qui ont pu déterminer ce à quoi ils accordent de la valeur pendant la pandémie contribuent à l’exode massif des employés du monde des affaires.
Le manque de connaissances sur la mort influence également la façon dont les gens abordent le côté technique des soins de fin de vie. Il ne s’agit pas d’un phénomène propre à la crise sanitaire : les gens ne savent pas comment planifier leur parcours de fin de vie ou celui de leurs proches. En effet, plus de 60 % des Américains n’ont pas communiqué leurs volontés de fin de vie, et bien peu de gens atteints d’une maladie grave ont parlé à un médecin de leurs soins de fin de vie éventuels. Ce manque de communication entraîne souvent des tensions au sein des familles concernant les coûts, la succession et la sécurité.
Philippe Ariès était un médiéviste et historien français dont les travaux ont porté sur l’attitude à l’égard de la fin de vie et de la mort à travers les temps. Une de ses principales publications s’intitule Essais sur l’histoire de la mort en Occident – du Moyen Âge à nos jours (Western Attitudes Towards Death: From the Middle Ages to the Present). Dans son ouvrage, Ariès décortique comment les hommes ont culturellement réagi à la mort tout au long de l’histoire. Dans la dernière partie du XXe siècle, il parle de la « mort interdite » parce que la mort était alors perçue comme honteuse et devait être cachée. Pour vivre une vie saine et épanouie, nous devons passer à une nouvelle étape, soit celle où la mortalité de chacun est considérée comme belle, où les gens sont encouragés à parler ouvertement de la fin de vie et de la mort, et où la mort est reconnue comme une partie naturelle et normale de la vie. Cela permettra aux gens de devenir de meilleurs défenseurs de leur bien-être mental, physique et émotionnel et de celui des autres.
Et vous, que faites-vous pour contribuer à un monde qui connaît mieux la mort?
Philotimo Life a récemment lancé un nouveau balado. On peut en apprendre davantage sur l’organisme et écouter la première saison du balado à www.philotimolife.com (en anglais).
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